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SHARMILA - Fin

Sharmila

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SHARMILA - Episode 6

SHARMILA - Episode 6

"François,
Pardon de t’avoir quitté ainsi.
J’ai longtemps hésité, pesé le pour ou le contre. Mais je me suis vite rendue compte que mon dilemne ne se limitait ni à toi ni à moi. Il nous dépassait. Notre amour était fort mais il ne l’était pas assez pour que je surmonte la rupture avec les miens, avec mon "indianité".
Je sais que tu m’aurais aidée mais ce sont ceux qui m’entourent qui m’aurait abandonnée et ça je ne l’aurais pas supporté.
Aujourd’hui, je suis mariée, plutôt on m’a mariée à un homme que je ne connaissais pas. Il est veuf. Il aurait été impossible pour moi d’épouser quelqu’un ayant eu une autre situation car je ne suis plus vierge… Il a apuré toutes nos dettes et mon frère et sa famille sont désormais libérés de leurs problèmes financiers.
Oublie-moi maintenant.
Merci, François, de m’avoir fait entrevoir le bonheur. Je t'aime encore. Sharmila"

François, ne savait plus quels étaient les sentiments qu’il éprouvait à l’instant où il replia la lettre. Etait-ce de la tristesse envers celle qu’il aimait et qui n’avait pu choisir, de la révolte envers ce système qui ne semble autoriser aucune liberté individuelle, de la jalousie envers cette nouvelle vie, subie ? Il était désemparé et avait du mal à comprendre un tel gâchis.

Alors, il prit la décision d’aller la voir, là-bas à Pondichéry.

Les billets furent rapidement trouvés, le voyage organisé et il se retrouva dans ce pays inconnu à plusieurs milliers de kilomètres de la France.

Pondichéry grouillait de monde. Il croisait des regards immenses et il lui semblait reconnaître une multitude de Sharmila.

Après plusieurs jours à déambuler dans la ville, il interrogea un indien parlant un français impeccable mais avec un fort accent tamoul qui vivait dans le quartier que la jeune fille lui avait si souvent évoqué. Le vieil homme le pria de venir prendre un thé dans sa maison. La chaleur était étouffante et François accepta volontiers. Il s’agissait d’une ancienne demeure coloniale. Un jardin luxuriant menait aux marches de cette grande maison blanche. Des colonnes soutenaient un étage où une grande terrasse avait été aménagée. L’homme, très âgé, se déplaçait avec peine. C’était avec un plaisir évident qu’il parlait français car il n’arrêtait pas une minute.

Ils s’installèrent sur la terrasse ombragée et François goûtait avec délice ce repos rafraîchissant.

"Qui souhaitez-vous rencontrer chez les Gopuram ? demanda le vieil homme.
- Sharmila. Elle s’est mariée je crois.
- Vous la connaissiez ?
- Oui, je la connais. Je l’ai connu en France dans la Librairie des Patel."

A cet instant, l’homme changea d’attitude. Son visage s’assombrit et il semblait à François qu’il s’apprêtait à prononcer des paroles d’une grande gravité. Il choisit ses mots et continua en fixant les yeux bleus du jeune français.
- Je m’en doutais. Tout le monde connaît cette histoire ici.
- Quelle histoire ?
- Depuis qu’elle est revenue et après son mariage, Sharmila était très dépressive. Son frère avait même organisé un voyage pour lui changer les idées. Mais rien n’y a fait. On savait qu’elle avait eu un amour en France."

Le vieil indien regarda longuement François comme s'il reconstituait dans son esprit, encore vif, cette histoire qu'on lui avait si souvent colportée, mais qui, à présent, prenait une dimension bien réelle, avec des visages connus. Ce n'était plus un scénario de plus, comme ceux que les studios de Bollywood mettaient en scène, qui permettait d'oublier une réalité pesante et parfois cruelle, et laissait place au rêve et aux happy ends. Non, il avait face à lui l'un des acteurs de ce drame qui s'était joué dans son quartier et qu'il avait la plus grande peine à révéler.

Après un long moment de silence, éprouvant pour le jeune français, il reprit son récit : "On l’a forcé à épouser M.Subramaniam. C’est très courant encore ici, vous savez ? Mais il faut l’oublier maintenant.
- Je veux la voir.
- Vous ne pouvez plus, c’est fini.
- C’est fini ?
- Elle s’est jetée d’un immeuble, du cinquième étage. Elle est morte sur le coup. C’était jeudi dernier. Je suis désolée."

Ces paroles avaient résonné comme une bombe. Mais curieusement, François, s’était déjà résigné. Etrangement, au fond de lui-même, il savait qu’une telle issue était envisageable, aussi atroce soit-elle. Etonnamment, il esquissa un vague sourire, comme abasourdi et saoulé par la chaleur accablante. Il fit ses adieux au vieil homme qui le regarda partir.

Les semaines qui suivirent furent éprouvantes pour François. De nombreuses interrogations se bousculaient dans son esprit.

Il décida de passer quelques mois en Inde. Il voulut s’imprégner de cette culture qu’il avait rencontrée à travers sa relation avec une femme mais sans jamais y pénétrer, comme si elle avait accepté de donner son corps mais n’avait rien voulu révéler de son âme indienne, du combat intérieur qui la dévorait et l’avait détruite. Il voulait comprendre la complexité de ce pays qui marchait vers le modernisme et le progrès, mais préservait avec force ses traditions.

Il voulait comprendre le mal être de Sharmila et marcher sur ses traces pour la garder à jamais auprès de lui.

Et c’est à travers ses périples indiens que François commença peu à peu à aimer ce sous-continent, avec ses paradoxes et sa cohérence, ses zones d’ombre et de lumière, son dynamisme et son fatalisme.

FIN

> Ananda

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SHARMILA - Episode 5

SHARMILA - Episode 5

Sharmila semblait vivre un conflit intérieur qu’elle tentait de vaincre en s’isolant. Sa passion pour François la projetait dans un univers où elle semblait trouver peu à peu ses marques. Mais elle avait viscéralement peur de basculer vers cet occident accueillant mais parfois tellement opposé à son environnement d’origine.

Accroché à François, il lui semblait qu’elle arrivait à trouver un équilibre pour ne pas tomber dans ce vide angoissant que constituent la nouveauté et la différence. Mais avait-elle la force de surmonter seule cette appréhension ?

Elle voyait clairement ce que cette société moderne de l’occident apportait : indépendance d’esprit, liberté de se comporter comme elle le souhaitait, l’attrait de la modernité. Elle comprenait à présent toute la symbolique de ces vêtements occidentaux qui offrait à la jeune femme le moyen de courir, de s’émanciper.

Mais à quel prix ? Fallait-il renoncer au traditionnel et magnifique sari ? Fallait-il oublier les coutumes ancestrales, perpétuées par sa mère, aujourd’hui disparue ? Fallait-il ignorer sa famille, s’arracher à ses traditions, à l’Inde, ce pays tant aimé ? Et pour quoi ? Pour tomber dans l’uniformisation, la globalisation culturelle ?

Bien sûr, François ne la forcerait jamais à rompre avec ses racines mais dans le milieu très fermé de Sharmila, vivre avec un français supposait de couper le cordon avec son identité indienne. Elle connaissait pourtant des indiens "libéraux" qui avaient admis ces unions mixtes mais elle ne pouvait le concevoir dans sa propre famille.

Sharmila se retrouvait au confluent de deux cultures. Ce qui était pour elle source d’enrichissement personnel, se révélait être aujourd’hui à l’origine de son mal être.

Un soir qu’elle revenait de la librairie pour rentrer chez son frère, elle entendit des cris à travers la porte et la voix grave du Monsieur Sandhu. Lorsqu’elle pénétra dans l’appartement, elle aperçut sa belle-sœur en pleurs sur le fauteuil du petit salon. Les éclats de voix provenaient de la cuisine. Sharmila s’y précipita et trouva son frère aux prises avec un interlocuteur, hors de lui.


- Anil, que se passe-t-il ?
- Ne fais pas l’ignorante Sharmila, tu sais très bien que ton frère nous doit encore 7 000 euros… grogna Monsieur Sandhu. Sharmila observa son frère, anéanti.
- Nous n’avons pas cette somme, Monsieur Sandhu. Ma belle-sœur est enceinte, mon frère débute et moi-même, je commence à travailler dans la librairie des Patel. Que peut-on faire ? Pouvez-vous encore attendre ? implora-t-elle.
- J’ai attendu bien trop longtemps déjà. Je ne vois qu’une issue.
- Laquelle ? crièrent Anil et Sharmila, bondissant hors de leur siège.
- Il y a un homme qui pourrait éponger vos dettes. Seulement il exige une condition. Epouser une jeune femme. Qu’en penses-tu Sharmila ?
- C’est impossible ! Impossible ! s’écria la jeune indienne. De toute façon nous n’avons pas de quoi lui apporter une dot et il y a tant de filles là-bas.
- Il ne veut rien. Il est veuf. Il souhaite épouser une femme occidentalisée mais pas trop. Peu importe sa virginité. Tu corresponds tout à fait à ce qu’il veut. Il a des moyens et il est prêt à me dédommager contre cet arrangement.

(6 mois plus tard...)

François n’avait plus eu de nouvelles de Sharmila depuis plusieurs mois. Elle ne répondait plus aux appels, ne revenait plus à la librairie. Les Patel lui devait encore un salaire qu’ils avaient remis à Anil. Le jeune homme avait déménagé en province avec sa famille, qui s’était agrandie d’une petite Lalitha.

François désespéré, reçut une lettre de Pondichéry un matin de janvier. Il n’avait pu oublier Sharmila et c’est avec fébrilité qu’il ouvrit le courrier.

(A suivre…)

> Ananda

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SHARMILA - Episode 4

SHARMILA - Episode 4

Au fil des rencontres, des discussions à bâtons rompus où ils opposaient leurs points de vue, François et Sharmila devinrent très proches. Chacun, imprégné de son identité, de son univers, tentait de s’immiscer dans celui de l’autre. Comme si deux sphères hermétiquement closes, essayaient de trouver un point d’ancrage, une intersection personnifiée. Tous les couples ont une approche identique mais celle de François et Sharmila était plus complexe encore. Elle était commune à tous ces êtres de cultures différentes qui, attirés justement par cet antagonisme, cherchent à trouver malgré eux, les indices d’un langage commun. Ils ne pouvaient construire une histoire unique qu’en identifiant clairement leurs quelques ressemblances. C’était dans cette quête incertaine que François et Sharmila s’étaient inconsciemment engagés.

L’amour n’était qu’un aboutissement de cette démarche. Cet amour tissait ses liens sur un matériau qu’ils avaient créé. Il n’existait pas de terreau préexistant, ni d’environnement connu et commun, capable d’apporter des réponses aux questions que se posent tous les couples ayant décidé de s’aimer.

Eux, érigeait cette union, sur une base vierge, où chacun posait des éléments de construction avec sa propre culture, sa vision du monde, sa morale, ses codes. François et Sharmila semblaient constamment à la recherche l’un de l’autre, et c’est dans l’union des corps qu’ils trouvaient une réponse à cette quête. Malgré sa longue réticence à s’opposer à la tradition de la chasteté des filles avant le mariage, Sharmila céda au désir de François, comme une offrande.

Elle avait été élevée dans une culture où la femme se prépare tout au long de son existence à donner, et à se donner. Il ne s’agit pas ici de mener la jeune fille seulement à procréer, comme l’envisage, souvent, les différents dogmes religieux occidentaux, mais de la préparer à offrir à l’homme, qui sera son époux, le don de sa féminité. Dès son plus jeune âge, la jeune fille indienne a les yeux noircis de khôl, les cheveux enduits d’huile de coco et parfumés, la peau soignée, pour répondre aux attentes futures de cet homme. L’avènement de son statut de femme, prête à assumer une sexualité adulte, est fêté par sa famille lorsqu’elle devient nubile. C’est alors qu’elle revêt pour la première fois le Sari. C’est par ce vêtement qu’elle devient réellement une femme. Par ce rite d’initiation, les parents annoncent à tous les amis de la famille qu’ils ont dans leur foyer une fille à marier, et par là-même, une dot à céder. La mère de la jeune fille lui a appris, par suggestion, les mots, les gestes de l’amour comme on enseigne une religion. Un catéchisme de l’amour que toute femme indienne possède dès son plus jeune âge, parfois inconsciemment.

C’est ainsi que Sharmila avait été éduquée et l’amour qu’elle faisait avec François était emprunt de cette sollicitude, de cette attention extrême à lui donner ce qu’il attendait, ce qu’il n’osait demander, mais qu’elle devinait.

François était ému par ce don de soi, et il ressentait avec Sharmila un plaisir extrême qui trouvait son origine, lui semblait-il, dans cette appropriation totale d’un corps exclusivement voué à le satisfaire, un être qu’il dominait. Cette sensation unique de force et de pouvoir lui apportait un bonheur, dont il se sentait vaguement coupable, lui jeune occidental, mais auquel il finissait par céder rapidement.

François et Sharmila avaient la volonté de trouver une même complémentarité dans le quotidien de leur amour. Le cheminement était long et c’est ensemble qu’ils forçaient les obstacles qui se présentaient à eux.

Seulement Sharmila était issue d’un milieu dans lequel la conception du couple et de la famille était ancrée dans la tradition. Chaque jour, lorsqu’elle rentrait chez son frère, elle se replongeait dans un environnement, dans un mode de pensée, une conception de la vie, opposée à celle qu’elle vivait dans les bras de François. Cet antagonisme, ce dilemme devenait très difficilement viable et supportable d’autant que son frère Anil et son épouse, ignoraient cette union.

Un soir, François lui fit part de la nécessité maintenant de vivre ensemble et de révéler à tous l’existence de leur relation. Ce qui paraissait naturel à François ne l’était absolument pas pour Sharmila.

C’est à partir de ce jour que tout a basculé. (A suivre…)

> Ananda

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SHARMILA - Episode 3

SHARMILA - Episode 3

Le lendemain matin, très tôt, Sharmila raconta à son frère la rencontre qu’elle avait faite, l’intimidation de Monsieur Sandhu, ses menaces. Elle sanglotait, se sentant responsable des ennuis qu’elle causait à son frère et à sa petite famille. Malgré l’air rassurant de son frère, Sharmila sentait bien qu’Anil était désemparé. Mais elle était décidée à rembourser rapidement cet argent et c’est avec une grande détermination qu’elle se rendit à son travail.

Entré par hasard dans la petite librairie indienne, ce sont les mains de Sharmila que François remarqua aussitôt. Elles étaient fines et longues. Elles caressaient les pages d’un livre et la sensualité de ses gestes lents le touchait profondément.

Il s’approcha d’elle et observa sa peau cuivrée. Ses cheveux n’étaient pas relevés comme ils l’étaient l’autre fois, lorsqu’elle lui avait souri dans le métro et qu’il l’avait défendue face à son prétendu « oncle », mais elle était aussi jolie avec cette coiffure relâchée. Il eut conscience, soudain, de l’attitude grotesque qu’il avait adoptée pour la contempler. Il prit alors prestement un livre qu’il feuilleta nerveusement en tentant de garder un air naturel malgré tout.

Les yeux de Sharmila étaient en forme d’amande et s’agitaient sans cesse, comme s’ils cherchaient, sur la page qu’ils parcouraient, un endroit pour se fixer. Son nez était aquilin mais légèrement busqué à son extrémité, ce qui lui donnait un petit air malicieux. Ses lèvres étaient particulières. Un ourlet très fin soulignait leur forme légèrement charnue. François sentit son cœur chavirer lorsqu’il aperçut la langue de Sharmila les humecter délicatement.

« - Vous êtes intéressé par cet ouvrage ? », lança-t-elle soudain au jeune homme avec un léger accent.
- Oui, je crois que oui, répondit-il surpris.
- C’est un auteur connu en Inde mais assez peu en Europe. Ce livre a reçu un prix prestigieux à Delhi mais a fait l’objet de nombreuses polémiques.
- A cause de la dénonciation du système des castes et de sa persistance aujourd’hui, c’est ça ? Ce système archaïque qui existe encore en Inde !
- Oui, oui, tout à fait. Mais je crois que vous connaissez le sujet.

Sharmila n’avait pas envie de s’étendre sur le problème des castes en Inde. Pour elle, les occidentaux assimilaient ce système à une discrimination raciale. Cette comparaison entre une problématique manichéenne et un concept aussi complexe que celui-ci, puisant ses sources à l’aube de l’hindouisme, lui paraissait totalement absurde. A ses yeux, même si on devait en dénoncer les failles et les injustices, seul un indien pouvait se prévaloir de maîtriser le sujet et de le dénoncer. De plus, Sharmila appartenait à une caste assez basse et ne s’en vantait pas. Elle portait encore en elle les marques du fatalisme indien qui veut que l’on n’échappe pas à sa condition, quel que soit son niveau social.

François sentit la gêne voire l’agacement discret mais réel de son interlocutrice et n’insista pas. Son regard bleu s’attarda sur les jolis yeux noirs de la jeune femme. Puis, il se donna une contenance en indiquant qu’il souhaitait acheter le livre. Sharmila le conduisit à la caisse et lui tendit son achat. Alors, il osa toucher les extrémités fines des doigts de la jeune indienne, qui, troublée, retira rapidement sa main.

François revint régulièrement la voir. Il aimait la regarder se raconter avec ses mots, français et anglais, entremêlés. Elle était heureuse de le voir chaque jour venir à peu près à la même heure et c’était avec un grand sourire qu’elle l’accueillait. Il était assez grand et avait des yeux d’un bleu très pur que l’on remarquait aussitôt car ils semblaient étrangers à son visage.
Maintes fois, il lui avait proposé de venir boire un verre mais à chaque fois, elle refusait, prétextant une occupation quelconque.

Pourtant ce lundi matin, elle accepta de l’accompagner pour aller voir cette exposition sur les miniatures indiennes du XVIe siècle à la Bibliothèque Nationale. Ces peintures représentaient des scènes de cour du troisième empereur moghol Akbar. C’était un personnage qui l’avait toujours fascinée. N’avait-il pas fait preuve de tolérance et de modernisme, lorsqu’il tenta de créer en 1581 une société religieuse syncrétique tendant à unifier le Coran, les croyances hindoues et la Bible ? Il l’avait dénommée « religion de lumière » : tout un symbole. Un homme cultivé et ouvert qui avait créé un art mêlant style hindou et persan, qui avait encouragé le progrès social et la condition des femmes en abolissant le sacrifice des veuves. Sharmila, idéaliste, pensait que le salut de son pays et de son peuple résidait dans ce métissage politique, religieux et culturel, dans ce sous-continent où tous ces concepts s’entremêlaient.
Cette évolution devait puiser ces sources dans la civilisation indienne elle-même, pour préserver son identité et par là-même sa force. Elle était persuadée que cette façon d’appréhender l’art, le sacré et le pouvoir s’opposait diamétralement à la conception occidentale de la société.
François représentait cet occident aux yeux de Sharmila. C’est la raison pour laquelle elle sentait que jamais, non jamais, il ne la comprendrait tout à fait. (A suivre…)

> Ananda

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SHARMILA - Episode 2

SHARMILA - Episode 2

« Que faites vous ici ? Que voulez-vous ? » cria-t-elle. Devant elle, se tenait un homme d’une taille imposante. Son visage, sombre, était affublé d’une moustache noire, mal taillée, aussi épaisse que ses sourcils. C’était Monsieur Sandhu.
Comme bon nombre d’indiens, Sharmila était arrivée en France grâce à l’aide financière de son frère qui avait du débourser 5000 euros à cet intermédiaire. Mais cette somme ne représentait qu’une avance et il restait 7000 euros à payer.
« Ton frère aurait dû me régler le reste depuis dix jours déjà… »
- Je sais Monsieur Sandhu mais il a eu des dépenses et sa femme attend un bébé… Vous savez que je travaille aussi pour rassembler cette somme et vous aurez votre argent dans quelques mois.
- Sais-tu que d’autres personnes sont dans ton cas en Inde et attendent que je leur fournisse le billet d’avion et que j’arrange tout à leur arrivée ? Avec quel argent pense-tu que je les aide ? Toi tu habites chez ton frère, mais il faut trouver un hôtel ou un appartement aux autres… les installer… les habiller…
Le ton de Monsieur Sandhu devenait agressif et sa voix s’amplifiait progressivement, faisant se retourner les passants. Ses yeux devenaient menaçants et Sharmila commençait à craindre une réaction violente. Quand soudain, elle aperçut le jeune homme rencontré le matin même dans le métro et qui lui avait souri. Il s’approcha et Monsieur Sandhu se calma aussitôt.
- Je te préviens que tu as trois mois pour me rendre cet argent, sinon la prochaine fois je ne serai pas seul crois moi… et ton frère pourra s’inquiéter… » dit-il en chuchotant sur un ton menaçant.
Le jeune homme du métro arriva près de Sharmila et toisa Monsieur Sandhu d’un regard autoritaire, ce qui suffit à éloigner l’intermédiaire.
- Bonsoir, que se passe-t-il ? Cet homme vous importunait ?
- Non… non… c’est… c’est mon oncle… Il n’aime pas quand je termine si tard !
- Ah tant mieux, je pensais qu’il vous agressait... vous aviez l’air si terrorisée ! Vous travaillez ici ?
- Oui, oui, mais là, il faut que j’y aille. Merci pour votre aide… A bientôt. Venez me voir si vous voulez à la librairie…mais là je dois partir… Au revoir.

Sharmila se précipita pour rejoindre la station de métro. Son frère habitait à Bondy en banlieue parisienne. Cette conversation avec Monsieur Sandhu l’obsédait… Que faire, que dire ? Elle devait en parler en tête à tête avec Anil…
Elle rejoignit la table familiale.
Depuis qu’il avait épousé Sarodja, Anil, son frère, avait adopté un mode de vie traditionnel. Les repas, strictement végétariens, étaient pris après une méditation. Sarodja aurait souhaité que sa belle-sœur soit plus « indienne » et n’appréciait pas les tenues échancrées de Sharmila. Mais la douceur et la joie de vivre de la jeune fille contribuaient à faire oublier ces « écarts ». Le mariage d’Anil et Sarodja avait été arrangé par leur famille respective, avec l’assurance de perpétuer les valeurs d’une même caste et d’une même religion. Les époux étaient convaincus que leur amour, construits par les liens du mariage, n’en avait que davantage de force, ce que Sharmila avait du mal à comprendre.

Leur deux fils, Amrit et Rajesh, étaient, eux, très occidentalisés. Ils n’appréciaient que modérément la cuisine épicée et ne parlaient pas tamoul. Une rare complicité s’était créée entre eux et Sharmila. Et chaque soir, après le dîner, elle tenait, à leur parler de l’Inde, de cette vie insouciante qu’elle avait quittée, des promenades avec ses amies sur le cours Chabrol à Pondichéry, lorsque le soleil nimbe les saris des jeunes femmes d’un halo mordoré, lorsque les vendeurs de samossas et autres friandises hèlent les  promeneurs en poussant leurs petites échoppes ambulantes. Au milieu des éclats de rire des enfants, elle aimait leur décrire la folle course des rickshaws au milieu du flot des voitures, les courses des petits singes affairés à voler sur les étals des marchés…  En l’espace d’une soirée, c’est toute son enfance qui ressurgissait et lui faisait oublier, un instant, la dure réalité qu’elle devait maintenant révéler à son frère Anil… (A suivre…)

> Ananda

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SHARMILA - Episode 1

SHARMILA - Episode 1

Les portes du métro s’étaient refermées derrière elle. Essoufflée d’avoir tant couru pour le rattraper, Sharmila sentit quelques regards masculins se poser sur elle lorsqu’elle s’engouffra dans la rame. On devinait sous ses paupières baissées, de très beaux yeux sombres. Elle contempla un moment ces mines renfrognées et tristes que l’on côtoyait dans les transports en commun. Elle ne pouvait pourtant se résoudre à adopter cette attitude, qui lui semblait tellement étrange. C’est sans doute malgré elle qu’elle offrit au jeune homme, placé face à elle et qui la dévisageait, son joli sourire. Arrivée à la station, elle se hâta de rejoindre la boutique.

Sharmila était arrivée en France deux ans plus tôt. Après le décès de sa mère, veuve depuis très longtemps déjà, son frère, installé à Paris, décida de la ramener auprès de lui. Elle avait à peine vingt ans,  Anil en avait huit de plus. Depuis son plus jeune âge, on avait inculqué au jeune homme le sens du devoir et de la responsabilité dévolu à l’aîné. Malgré son déracinement et son appartenance à la diaspora indienne de France, il lui semblait qu’il avait désormais le devoir d’assurer la continuité et la protection de la famille. Il devait prendre en charge sa jeune sœur Sharmila, qu’il avait quittée lorsqu’elle avait dix ans, lui qui ne rêvait que de la France dont on lui avait tant vanté la douceur de vivre et l’opulence. Après son bac au Lycée Français de Pondichéry et des études de pharmacie à Toulouse, il vint s’installer à Paris. Il lui aura fallu deux ans, pour évaluer les biens familiaux, relativement considérables, apurer toutes les affaires liées à la succession, préparer le voyage pour la France et trouver un emploi à Sharmila. Le réseau d’amis indiens qu’il fréquentait lui permit de bénéficier de conseils judicieux et tout s’était arrangé.

Les clients étaient plutôt rares aujourd’hui à la boutique et Sharmila  put se plonger dans les complexités de la langue française qu’elle souhaitait maîtriser parfaitement dans les six mois à venir. Elle avait eu une scolarité brillante au Lycée français de Pondichéry. Mais il lui semblait qu’elle avait appris un français légèrement suranné, une langue d’outre mer encore préservée des anglicismes et autres néologismes. Il lui semblait que les mots qu’elle employait, suscitaient parfois des sourires et une moquerie à peine cachée.

Attenante à la boutique de vêtements indiens dans lequel elle était vendeuse, les propriétaires  avaient ouvert une petite librairie spécialisée sur le monde indien. L’établissement était modeste, mais assez connu parmi les indiens et indophiles. M. et Mme Patel étaient originaires de l’État du Gujarat, au Nord Ouest du sous-continent. Ils appartenaient à cette communauté d’indiens partis commercer en Afrique. Après dix années passées à Douala au Cameroun, l’instabilité des gouvernements et une certaine lassitude envers cette communauté indienne très fermée installée là-bas, les incitèrent à venir en France, dont ils maîtrisaient la langue.

Peu à peu, leur petite boutique de saris et autres vêtements traditionnels commença à se faire une renommée et les affaires, devenues un peu plus florissantes, leur avait permis d’agrandir le lieu pour installer cette librairie « Aux pages indiennes », dont ils avaient toujours rêvé. M. et Mme Patel furent conquis par le charme naturel et l’intelligence de Sharmila. Ses dispositions et son écoute envers les clients les avaient incités à lui donner la responsabilité de cet endroit, qu’elle gérait à présent avec passion. On y trouvait des textes de l’Inde ancienne, des cartes, des carnets de voyages, mais également des ouvrages d’auteurs contemporains indiens dans leur langue d’origine ou traduits. Sharmila découvrit ici les écrivains de la diaspora, Naipaul bien-sûr, mais aussi Arundhaty Roy, Salman Rushdie, Anita Desai, Abha Dawesar et bien d’autre… Tout un monde qui la transportait vers le pays de ses origines, le pays de ses parents disparus mais qui lui donnait une autre vision de l’Inde, nuancée et métissée.

Il était dix-neuf heures et il faisait déjà nuit. Comme chaque soir, elle rangea avec soin les livres déplacés par les clients de la journée, vérifia consciencieusement la caisse et enfila son manteau. Elle sortit et sentit le vent de l’hiver souffler avec agressivité sur ses joues. Il lui semblait que cette saison était interminable. Elle remonta son col et s’accroupit pour fermer à clé la lourde porte de la boutique.

Soudain, elle sentit une main agripper son épaule avec fermeté. Elle ne put étouffer un cri de surprise et d’effroi quand elle se retourna… (A suivre…)

> Ananda

                                                

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